Nuit de nouvel an dans le sud d’Israël


Voila une nouvelle nuit qui s’annonce, une nouvelle nuit sous les roquettes et autres missiles palestiniens …

Pour nous, la nuit sera longue. Pour mes amis en France également car ils fêteront le nouvel an dans une ambiance de fête avec sans doute une pensée pour nous, les Israéliens qui vivons dans les abris.

A l’approche de minuit, ils déclencheront le compte à rebours qui les séparent de 2009.

Nous, c’est le décompte à rebours. Celui des missiles, des morts, des attentats quotidiens que nous connaissons depuis maintenant huit ans.

Il y a huit ans, c’était de France que je contemplais ces roquettes tombaient sur mon peuple par écran interposé.

Je suis désormais en dessous, mais à côté de mon peuple, de mes frères.

Je suis habitant de Jérusalem, notre Ville Sainte, loin de ces villes du sud bombardées, mais je n’ai pu venir m’empêcher de venir chercher quelque chose.

Quoi ? Je ne sais pas. Je me suis porté volontaire secouriste au Maguen David Adom. Dans les ambulances prêtes à partir à tout moment, pour aider ceux qui en auront besoin car blessés. Victimes pour la simple raison qu’ils sont israéliens et que d’autres, à ce motif, leurs refusent le droit de vivre ici.

Loin de toute ligne verte, loin de toute remise en cause. A part celle des extrémistes du Hamas qui veut que la terre de l’Islam s’étire des rives de la Méditerranée à celles du Jourdain. Quitte à provoquer des guerres et d’ordonner ainsi par procuration la mort de leurs frères.

Et comme toutes ces nuits depuis la fin de la trêve rompue par les palestiniens, mes camarades du Maguen David Adom et moi-même allons dormir ensemble, serrés les uns contre les autres dans un abri.

Et cette nuit ressemblera sans doute aux précédentes : la peur au ventre nous attendrons d’entendre la sirène annoncer la venue d’un missile. Suivra notre départ pour l’endroit de sa chute à la recherche des blessés.

Pendant la soirée, nous avons regardé la télévision. Aux infos, les images d’un habitant d’Ashkelon qui refuse d’entendre la sirène, et continue de marcher comme si de rien n’était … Jusqu'à ce qu’un missile tombe a côté de lui, et qu’il voit sa vie épargnée grâce à quelques mètres. Grace à un miracle.

Nous voyons les images de cette mère de famille arrachée à ces quatre enfants. Tuée par un missile tombé sur la ville d’Ashdod. Ceux qui regardent ne peuvent s’empêcher de pleurer. Ceux qui lui donnèrent les derniers soins et tentèrent de sauver sa vie, eux, ne peuvent regarder.

Ses dernières paroles allèrent à sa petite fille de onze ans. Elle lui demanda d’aller se réfugier en attendant son retour, alors qu’elle-même avait trouvé abri dans une station de bus. Elle ne rentrera jamais.

Nous dormons à peine quand une première alerte retentit. Ceux qui étaient dans le couloir accourent. Nous fermons la porte et attendons. Les roquettes tombent à Sdérot, encore et toujours. A Ashkelon, à Netivot, et même à Beer-Shev’a, que tout le monde pensait hors de danger il y a à peine quelques heures.

Une roquette est tombée en pleine salle de classe. Heureusement vide. Les secouristes du Maguen David Adom furent soulagés de constater cela. La roquette aurait fait un carnage si cela n’avait pas été le cas.

Je décroche le téléphone et appelle ma sœur, qui habite dans une ville à portée des tirs de roquettes.

"J’ai peur, mais je reste... Je ne sais pas où aller, quoi faire... Et partir serait fuir, et cela je ne le ferai jamais... Si je fuis ma terre, ou irons-nous ?"

J’écoute ma sœur, mais ne trouve pas les mots pour la réconforter... Que pouvais-je dire... Personne n’est en sécurité et tout le monde le sait. Une nouvelle sirène vient couper notre conversation.

J’ai dormi quelques minutes et je suis réveillé. Un cauchemar. Des souvenirs qui reviennent me hanter. Ceux de ces jeunes enfants tués il y a quelques mois dans un attentat alors qu’ils étudiaient a Jérusalem.

Ceux de cette femme emprisonnée dans sa voiture, écrasée par un bulldozer conduit par un terroriste. A chaque fois, j’étais sur place. A chaque fois, je ne comprenais pas ce qui pouvait justifier cette haine.

Des endroits différents. Des moyens différents. Une seule motivation.

A 7h00, je me réveille, la nuit fut calme. Je retourne à la maison, rejoindre ma sœur. Je ne lui dirai rien de mes cauchemars ni de mes angoisses, je ne veux pas l’inquiéter plus encore.

Je suis la, assis a contempler la ville qui parait calme. Et je me remémore une discussion qui me parait lointaine, mais en réalité de quelques jours à peine : « Où serais-je pour le nouvel an ? »

Qui aurait pu me prédire : « à la guerre ».


Arie Elmaleh – Secouriste Maguen David Adom en Israël


 

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